Une histoire mouvementée
Housers est une plateforme de financement participatif espagnole spécialisée dans l’investissement immobilier.
Depuis sa création, elle a été au cœur de nombreux litiges. En 2020, face à la recrudescence des impayés de la part de la plateforme, un groupe d’investisseur a assigné en justice l’entreprise Housers. Celle-ci est accusée de fraude, détournement de fonds et administration déloyale.
De nombreux indices ont conduit les investisseurs à se montrer méfiant envers la plateforme Housers. Il est nécessaire, aujourd’hui en tant qu’investisseur, de savoir reconnaitre une plateforme de financement participative frauduleuse et d’être capable de reconnaitre les premiers signe de défaillance.
Les détails se sont pourtant multipliés :
– Le premier indice qui a émergé avec la plateforme Housers est le report systématique de la date d’expiration du projet en échange d’intérêts moratoires, ce sont des intérêts qui correspondent à une forme de réparation du préjudice causé par le report de la date d’expiration du projet. Dès lors que la plateforme n’est pas honnête, il y a de fortes chances qu’elle annonce finalement, l’échec du projet. Cette situation a déjà eu lieu avec de nombreuses plateformes, par exemple, Wisefund poursuivait son activité en multipliant les retards de paiement et justifiant sa perte de capital par les risques liés aux investissements. L’objectif derrière le fait de fournir des intérêts moratoires étant de pouvoir poursuivre son activité sans éveiller le doute des clients.
Pourtant, l’échec ou la réussite du projet ne relève pas de la responsabilité de la plateforme, en effet elle ne joue qu’un rôle d’intermédiaire et non de conseiller financier, conformément à la loi espagnole 5/2015 du 27 avril. Et malgré la sélection des projets qu’elle est contrainte d’effectuer au préalable, elle n’est en rien responsable de leur réussite ou de leur échec. Mais alors, comment se retourner contre la plateforme s’il y a des raisons de soupçonner qu’elle joue un rôle dans l’échec de ces projets ?
Des projets fictifs organisés par la plateforme
La plateforme de financement participatif a par exemple pu mettre en place des projets fictifs dans le but de récolter des fonds qu’elle n’utilise en rien pour ce projet et sans volonté de rembourser les apporteurs. On a là une illustration de la notion de détournement de fonds. Les investisseurs doivent réussir à prouver que les fonds récupérés par la plateforme n’ont pas été utilisé pour financer le projet. Mais plusieurs problématiques se posent. Tout d’abord, les investisseurs de Housers n’ont aucun suivi sur l’utilisation des fonds investis, donc il leur est compliqué de démontrer leur détournement. Le second problème est que l’échec du projet est un risque inhérent à l’investissement participatif, par conséquent, les investisseurs ne peuvent se prévaloir du simple échec du projet pour engager la responsabilité de la plateforme, il faudra démontrer un acte supplémentaire de sa part qui aurait engendré l’échec du projet, par exemple cela peut être l’absence d’envoi des fonds récoltés pour mettre en œuvre le projet.
La seconde problématique de la plateforme de financement participatif Housers est son manque de transparence. la loi 5/2015 du 27 avril réglementant le financement participatif en Espagne impose une obligation d’information aux plateformes à l’égard de leurs investisseurs, son article 70 stipule que : « Le projet doit contenir au moins une description de celui-ci de manière concise et dans un langage non technique, qui fournit les informations nécessaires pour permettre à un investisseur moyen de porter un jugement éclairé sur la décision de financer le projet. ». Or, dans le cas de la plateforme Housers, celle-ci ne communique pas sur le nom des entreprises qui assurent les rénovations des projets immobiliers ni le coût de ces rénovations. Cela implique que les investisseurs ne disposent pas des informations nécessaires pour prendre des décisions en connaissance de cause ni pour assurer le suivi de leurs investissements. La réglementation en vigueur distingue entre investisseur agréé et investisseur non agréé, la protection que la plateforme doit apporter à ces derniers est bien plus importante, par exemple, la plateforme doit contrôler de manière plus aboutie les investissements des investisseurs non accrédités investir qu’un maximum de 3 000 euros dans le même projet et jusqu’à un total de 10 000 euros par an dans la même plateforme de crowdfunding immobilier en Espagne.
Un droit clair et sans ambiguité en matière de transparence
En tant qu’investisseur, avoir connaissance de sa situation est donc fondamental car les moyens qu’il pourra invoquer contre la plateforme au cours d’une procédure judiciaire différeront en fonction des obligations auxquelles elle est soumise et qu’elle n’a pas respecté. Par exemple, l’article 81 de la loi 5/2015 stipule que :
« 1. Les investisseurs peuvent être accrédités ou non accrédités.
2. Dans le cas des projets visés à l’article 50.1.b) et c) de la présente loi, seront considérés comme investisseur qualifié :
a) Les personnes physiques et morales visées aux lettres a), b) et d) de l’article 78 bis.3 de la loi 24/1988, du 28 juillet, sur la Bourse.
b) Les entrepreneurs qui remplissent individuellement au moins deux des conditions suivantes :
1. Que le total des éléments d’actif est égal ou supérieur à 1 million d’euros,
2. que le montant de son chiffre d’affaires annuel est égal ou supérieur à 2 millions d’euros,
3. Que ses ressources propres sont égales ou supérieures à 300 000 euros.
c) Les personnes qui remplissent les conditions suivantes :
1.º Accréditer des revenus annuels de plus de 50 000 euros ou des actifs financiers de plus de 100 000 euros, et
2.º demander à l’avance d’être considérés comme des investisseurs accrédités et renoncer expressément à leur traitement en tant que client non accrédité. […]
d) Les petites et moyennes entreprises et les personnes morales non mentionnées dans les sections précédentes lorsqu’elles se conforment aux dispositions du chiffre 2 de la section précédente.
3. Outre les personnes susmentionnées, seront également considérées comme investisseur qualifié les personnes physiques ou morales qui certifient la passation de la prestation de conseil financier sur les instruments de financement de la plateforme par une société de services d’investissement agréée.
4. Tout investisseur qui ne respecte pas les dispositions des sections 2 et 3 du présent article sera considéré comme non-agréé. ».
On constate donc que pour bénéficier de la qualification d’investisseur agréé il est nécessaire de remplir des conditions extrêmement précises et les caractéristiques de ce type d’investisseur diffère entre chaque réglementation.
Ensuite, il semble que Housers ait transmis à ses investisseurs des informations erronées : la plateforme leur a laissé entendre qu’ils seraient propriétaires d’une partie de l’entreprise dans laquelle ils ont apporté leurs capitaux, en réalité ils ne sont que des partenaires. Cette différence est considérable en cas de faillite du projet, notamment concernant le recouvrement des fonds prêtés. Le fait pour une partie au contrat de transmettre une information fausse à son cocontractant dans le but de l’amener à conclure le contrat constitue un dol qui constitue un vice du consentement. La sanction de ce type d’erreur pouvant aller jusqu’à la nullité du contrat.
Des problèmes autours de la récupération des fonds
Pour appuyer leurs réclamations, les investisseurs ont contacté la Commission nationale du marché boursier espagnole (CNMV) et dénoncé plusieurs infractions, notamment le manque de transparence mais aussi le fait que la plateforme s’occupe de la gestion de fonds d’investisseur, une activité interdite par la réglementation qui limite l’activité des plateformes de financement participatif à celle d’intermédiaire. Ce n’est pas la première fois que la CNMV se penche sur la plateforme Housers, celle-ci a été condamnée en 2019 pour les mêmes faits qui lui sont reprochés aujourd’hui : « Pour la commission d’une infraction très grave, caractérisée à l’article 92.1.d) de la loi 5/2015, du 27 avril, sur la promotion du financement des entreprises, pour l’exercice, non seulement occasionnel ou isolé, d’activités qui ne figurer dans votre autorisation ; amende d’un montant de 75 000 euros. ».
La plateforme de financement participatif Housers ayant déjà été condamnée pour l’exercice d’activités sans autorisation, si la CNMV caractérise une seconde fois la fraude, le risque est que la plateforme soit déchue de son agrément, donc elle ne pourra plus exercer son activité. En effet, l’article 92 de la loi réglementant le financement participatif considère comme une infraction très grave la réalisation non par des plateformes de financement participatif d’activités qui ne figurent pas dans leur autorisation. La sanction de cette infraction pouvant aller jusqu’au retrait de l’agrément autorisant à exercer l’activité, cela implique, pour les investisseurs ayant engagé une action contre Housers, de devoir prendre en compte l’hypothèse dans laquelle la plateforme serait déchue de son agrément pour pouvoir exercer leur action.
La plateforme Housers semble aujourd’hui au cœur de différents procès et s’est déjà vu condamnée : le 27 janvier 2020, le Tribunal de première instance de Valencia a rendu une décision par laquelle elle sanctionne la société. Le juge a condamné la plateforme de financement participatif Housers au paiement de 2600€ avec en plus, le paiement d’intérêts au requérant. Bien que cette somme paraisse dérisoire en comparaison du chiffre d’affaires de la plateforme, cette décision reste une victoire car elle démontre que Housers n’est pas régulière dans toutes ses activités et offre une lueur d’espoir à toutes les personnes lésées qui intentent une action à son encontre.
Les moyens que les investisseurs peuvent invoquer à l’appui de leur action sont donc nombreux. De la même manière, ils ont autant la possibilité de demander la condamnation de la plateforme sur le plan civil que sur le plan pénal. Il convient seulement de déterminer quelle action a le plus de chance de succès et quels sont les intérêts en cause.